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maodunland
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29 juillet 2012

Laurence Anyways de Xavier Dolan

L’histoire : Laurence fête ses 35 ans auprès de la femme qu’il aime, Fred. Mais quelque chose ne va pas, il ne peut plus ne pas le lui révéler. Il se sent femme, il va devenir une femme. Le film raconte les 10 ans qui suivent cette annonce, les répercussions sur leur couple, sur chacun, la transformation, le regard des autres, les relations familiales,…

Je préfère prévenir tout de suite, ce film est mon film préféré de l’année, de la décennie et même, je pense, de ma vie.

Il s’agit du troisième film de Xavier Dolan, après j’ai tué ma mère et les amours imaginaires. Il présente lui-même Laurence anyways comme son préféré des trois. Et il y a de quoi. Après deux premiers films que j’aime beaucoup aussi mais qui sont plus personnels, plus égocentrés, il nous offre, à 23 ans, un film d’une maturité impressionnante. Le film est encore une fois ancré dans l’univers LGBT mais cette fois, il s’éloigne de cette problématique pour devenir plus universel. En fait, dans Laurence anyways, il s’agit avant tout d’une histoire de couple. De 10 ans de la vie d’un couple avec une annonce qui chamboule tout au début de cette relation. On aurait pu remplacer l’annonce de la transsexualité par l’annonce d’une maladie grave, de la conversion à une religion,  ou du désir irrépressible de partir vivre en Patagonie, le déroulement aurait pu être le même. Comment réagit-on quand la personne que l’on aime veut changer radicalement ?

L’aime-t-on toujours? Supporte-t-on de sortir de ce confort que l’on a commencé à construire ensemble?
Se sent-on trahi ? Réussissons nous à accepter ce choix qui n’est pas le nôtre, à l’assumer face aux autres ?

Ces questions sont le cœur du film, ce qui peut décevoir les personnes qui s’attendent à suivre le parcours d’un transsexuel. On voit la transformation de Laurence au fur et à mesure de ces 10 ans bien sur, on voit aussi le regard des gens sur elle, les conséquences sur sa vie professionnelle, on aborde très légèrement les étapes (implants, hormones,…) qu’elle traverse mais on ne s’attarde pas dessus. Dolan explique que pour Laurence il est tellement évident qu’elle est une femme que la transformation va de soi. Ce qui laisse tout le temps pour présenter le point de vue de Fred, sa compagne et les moments, bons et mauvais qu’ils vont traverser.


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"Mais pourquoi tu es venu comme ça ? Pourquoi t'es pas venue en femme ?" "Pour te plaire chérie."


Et là, le film est magnifique, émouvant, juste. En 2h40 Dolan réussit à nous faire compatir avec Fred, à comprendre les sentiments ambivalents qu’elle ressent tout en présentant le choix de Laurence comme étant évident, vital. J’ai rarement autant pleuré devant un film, certaines phrases résonnent encore et me font monter les larmes aux yeux en quelques secondes, certaines musiques aussi car le film est accompagné par une BO géniale, surtout composée de morceaux des années 90. Je me suis rendue compte en me faisant ma petite playlist Laurence anyways, que chaque chanson choisie colle exactement à ce que l’on voit à ce moment là, les paroles, le titre soutiennent le message transmis par les images. Mention spéciale pour le passage Céline Dion, le choix de la chanson et du moment où il est coupé. Génie.

Un mot aussi sur la réalisation. Dans ses deux précédents films, X.Dolan avait choisi une réalisation assez « lourde » avec des ralentis, des filtres,… il propose cette fois une réalisation plus classique tout en choisissant un format inhabituel : le 16 mm (ce qui donne une image carrée).

 Chaque plan de Laurence anyways est pensé, étudié, organisé. Je mentionnerai juste trois éléments qui m’ont bluffée :
-  le travail sur le cadrage : le format carré est réellement utilisé. Autant pour travailler les gros plans que la profondeur de champ ou la symétrie.
- énorme travail aussi sur les couleurs : le bleu par exemple qui se révèle plus ou moins présent selon là où elles en sont dans leur couple
- enfin,  il y a une réelle attention portée aux détails en fait. On peut voir l’évolution mentale de Fred juste en observant ses coiffures par exemple.

Le film est intelligent, pas prétentieux comme j’ai pu le lire, intelligent. Xavier Dolan ne nous prend pas pour des abrutis, il ne souligne pas son propos par un plan appuyé sur ce que l’on était censé comprendre. On a compris, on avance. Il distille des références littéraires, musicales qui ne sont pas indispensables à la compréhension mais qui sont les petits détails qui complètent le tableau. Une citation veut parfois dire plus que 5 minutes de dialogue.

Enfin, les acteurs. Tous jouent merveilleusement, Melvil Poupaud, bien sûr, qui joue Laurence avec une élégance et une douceur apaisante dans tout le trouble qui suit l’annonce. Suzanne Clément (Fred), qui mérite largement son prix d’interprétation, Nathalie Baye qui, avec son rôle de mère complètement foireuse, offre un peu d’air mais aussi un des plus grands moments d’émotion du film. Enfin, Monia Chokri, en sœur lesbienne mais pas si ouverte que ça de Fred est hilarante.


Le film parfait
6/6 évidemment

Laurence. Laurence anyways.

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